Nous avions par millier des idées de génie. Nous avions par centaines des projets inouïs. Nous avions l'air de rien, tellement beaux, je crois. Nos nuits étaient trop courtes. Nos jours pas assez longs. La vie coulait en nous comme l'eau des torrents. Je me souviens de tout et de rien à la fois ; De ce rideau à fleurs qui nous servait de drap. D'une fenêtre ouverte sur un voisin curieux. Du sein de ton amie volé dans le miroir. De ce garçon si beau dormant sur le tapis. Nous nous laissions le temps d'apprendre l'avenir. Nous avions des années d'impatience à tenir. Le ciel gris n'avait rien de méchant à nos yeux. Nous savions le soleil prêt à nous revenir. Je ne me souviens pas plus de toi que d'elle Ou que de lui. Je me souviens de rien Mais je garde le sel de nos gestes secrets. De lui, je garde aussi la douceur de ses mains, Des étranges questions qu'il vînt à me poser. Nous avions tant de maux à maudire. Les routes bien trop droites, Les codes et les règles, la couleur des cheveux, La longueur des habits, la blancheur de nos nuits. Ce soir je prends le temps du regard en arrière Le paysage est flou à mes yeux fatigués J'entends mes rires et mes pleurs, Les mots de mes aînés, Je sens leurs regards et leurs mains. Il me revient le goût des bonheurs traversés. Ce soir, enfin, je ne redoute plus la nuit. J'épouse de mon corps le corps de mon aimée Et coule doucement vers les rêves et la paix.
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