Belle avait pris le temps d'attacher ses cheveux.
Il,l'appelait Belle depuis le premier jour. Cinquante trois ans pendant lesquels, il le lui jurait souvent, elle n'avait cessé d'être belle. Alors, même le matin, au réveil, après une courte nuit et la perspective d'une dure journée, il ne lui serait pas venue à l'idée d'apparaître devant lui décoiffée.
Il savait cela. Il le recevait comme une caresse.
Mon gars, avait pris le temps de se raser avant de descendre.
Elle l'appelait Mon gars depuis le jour où sa mère, agacée, lui avait dit :"il y a un gars qui t'attend dans la rue"
" Et bien , tu vois ce gars là, ce sera mon gars pour longtemps".
Elle recevait l'odeur de son eau de toilette comme une réassurance; enfin, il était là.
Belle et Mon gars commençaient une journée ordinaire.
Une belle journée d'été. Elle avait préparé le petit déjeuner sur la table de la terrasse, les chats attendaient près des bols leur petit morceau de beurre.La radio racontait la misère du monde. Ils ne voulaient rien perdre du bonheur quotidien d'être là, tous les deux, à partager le silence. Il allaient leur vie le plus loin, le plus longtemps possible sans évoquer la fin même en grimace.
-" papy,tu vas pas mourir encore ?"
-" Moi ? mais je ne peux pas. Ça ferait pleurer ta grand-mère"
-" Et mammy?"
-" Alors là, j'en mourrais"
Il le croyais dur comme fer que Belle et Mon gars ne pouvaient pas mourir. Il en a perdu une dent à l'école.
Mon gars a servi le café dans les grand bols à fleurs.
-"Tu ne voudrais pas me faire griller un peu de pain ? s'excusa-t-elle."
-" Gourmande", dit-il en retournant à la cuisine.
-" J'étais dans la cuisine, devant le grille pain. J'ai entendu le bol se briser sur les dalle. Je sais pas pourquoi mais j'ai compris tout de suite. Elle été là, par terre, comme une poupée de chiffon.
Elle est parti, comme ça, j'ai rien vu, j'aurais voulu...........
J'ai mal, si tu savais comme ça fait mal...........
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