Avant, j'étais ficus.
Avant, dans un autre vie, comme on dit.
Ficus à Luxor, en Egypte, le long du Nil.
Pas un ficus comme chez vous, dans un pot entre la télé et le lampadaire, non un arbre, un vrai, avec un tronc, des branches, des feuilles et des racines qui vont loin chercher l'eau et le reste. Huit mètres de haut, six de large.
C'était il y a longtemps.
Ils construisaient Karnac. D'Assouant, les barges descendaient d'énormes blocs que les esclaves roulaient jusqu'au temple.
J'ai vu couler le Nil, je l'ai vu déborder, me grimper jusqu'aux branches. Je l'ai vu me nourrir d'alluvions riches et gras. J'ai vu des femmes fleurs s'y baigner presque nues avec leurs enfants bruns qui leur mangeaient le sein. j'ai vu mourrir le dernier pharaon. J'ai vu passer l'anglais, imposer sa culture. Les baigneuses servaient le Thé la tête basse, le pas pressé. Puis un jour je suis mort, abattu à la hache pour faire un quai au fleuve, une rue aux autos.
Aujourd'hui, allongé sur mon canapé rose, je regarde l'arbuste penché vers la fenêtre. Je ne crois pas, biensûr, à mes divagations mais j'aime malgrès moi carresser son feuillage comme si nous avions lui et moi une histoire, une intimité que seuls nous connaissions.
Je perçois vos sourires, vos murmures narquois.
Amoureux d'une plante, non mais,
N'IMPORTE QUOI !!
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