Tu avais mis ton collier de perles noires et blanches. Ce collier à trois sous que tu aimes tellement. Ta robe te donnait des airs de friandise. Des transparences et des dentelles roses, un sourire ingénu, tu étais belle et sucrée.
C'était l'été. On mariait ta soeur dans le pré de Lucien.
Du vert partout et du soleil. Un petit souffle d'air pour tordre les chapeaux, retourner les voilettes. Les robes restent sages. Les enfants l'étaient moins qui courraient au bassin.
Le doigt sur ton collier, ta mère, grise mine : - t'avais pas autre chose ?
- Maman, je te présente mon chéri préféré. T'as vu, il est propre celui là. Belle chemise blanche, beau pantalon bleu. Pas trop bleu ?
Tu m'as tiré par la manche devant Tante Lucy maquillée de sucre glace, Tante Solange :
- Fais gaffe, elle louche. Là, elle nous regarde.
- Tu crois ?
- J'te jure.
Ton grand-père trouvait qu'on lui mettait trop d'eau dans son pastis, ou pas assez de pastis.
Dans le pré de Lucien, tu m'amenais, à travers ta famille, comme un enfant heureux, son ballon rouge à la fête foraine. Je flottais, ballotté des soeurs de ton père aux parents de ta mère. Je souriais, je balbutiais des "bonjour".
Je me sentais seul, malgré tes regards, tes sourires, ta folie à vouloir me faire aimer par tout le monde, ton monde.
Je me sentais pantin, marionnette de ton petit théâtre à être toi.
Je me souviens, alors, avoir pensé à l’autre toi. Celle qui me couche contre elle, qui me souffle ses envies aux oreilles. Celle qui me cache entre ses seins, qui m'encaverne.
Dans le pré de Lucien, je suis, tout à coup, devenu le futur gendre, l'ami de la nièce, le copain de la petite, le grand dadet qui ne sait pas se tenir.
Tu souriais, tu dansais.
J'aurais voulu savoir pourquoi.
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