Putain de boulot. "Ce sera ça ta vie", m'a dit le père.
La mère pleurait déjà le dos à la jetée.
Ta femme te raccontera tes enfants à la radio et les nuits de gros temps, tu les verra se bousculer dans ta tête.
Ce soir en partant, je regardais sa fine silhouette plantée au bout du mol, les bras croisés, le foulard serré. Pour la première fois j'ai senti, dans cette immobilité, que c'était fini. Qu'elle allait, maintenant voir mes départs et mes retours sans déchirements et sans joie. Juste avec lassitude. La lassitude de celles que l'on a pas su aimer. La lassitude de celles qui portent les enfants deux fois et toujours seules. La lassitude de celles qui voient partir leur jeunesse dans les lessives et la solitude.
Aujourd'hui, plus je m'éloigne plus je suis sûr que c'est ma femme qui s'en va.
C'est mon amour qui prend le large. Je pars pour six semaines et son bras ne se lève pas, ses yeux regardent au delà du bateau vers les lumières de la ville où l'attend la vrai vie.
Pas un mot et pourtant tout est dit.
Son adieu, c'est cette statue de cire au bout de la jetée que la brume et la nuit viennent me dérober.
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