Si je vous parlais de mes voyages, je ne vous emmenerais pas bien loin.
Peut être derrière la gare désaffectée où de vieux wagons dorment leur mort dans les ronces et le lièrre.
Sur leurs rares fauteuil, j'ai pris, des après-midi entiers, l'Orient -Express avec Julie qui me croyait.
Nous buvions du thé vert du Japon à nous bruler les lèvres. Je lui raccontais les vastes plaines que nous traversions. Elle faisait des signes aux cavaliers mongols qui nous suivaient en riant.
Quand nous dormions dans le "Pullman", elle me tenait le torse dans ses bras, le nez dans mes cheveux, les genoux repliés sous elle.
Les après-midi passés là, à voyager vers l'Est, étaient notre secret et nos plus beaux périples.
Le soir, au wagon restaurant, à la table du fond, sous la lampe opaline, Mata-Hari lançait des oeillades amoureuses à sherlock Holmes qui n'y voyait que du feu. Cela amusait beaucoup la vieille Agatha penchée sur son manuscrit où son Hercule continuait l'enquête. Ce cher docteur Watson rosissait derrière sa moustache.
Elle me disait, "racconte" et je lui montrais le landau dans les escaliers d'Odessa, la révolte des marins du Potemkine. Raspoutine venait poser la main sur son épaule. Elle frissonait en se serrant contre moi mais le général Dourakine venait m'aider à la rassurer.
Et lorsque nous rentrions, chacun dans sa famille, les yeux encore pleins des sables d'Orient, nous venions de si loin, avec tant de détails que, je l'aurais juré, la maison familliale devenait une isba et la soupe servie, un bortch resplendissant.
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