Maintenant que j'y pense...

Il fait beau

Quand nous sommes au jardin, elle vient et batifole dans les feuilles et le soleil.

Les jours heureux se passent aussi là, dans les feuilles et le soleil.

Dans le regard d'un chat dansant dans les branches pour débusquer l'oiseau qui crie de révolte.

Le soleil, les feuilles, le chat et l'oiseau, le temps qui prend son temps.

Jour de rallye

 

On s'était mis à l'ombre du murier pour regarder passer les voitures. Je lui disais, « tu as l'air d'une fille à la foire du Trône ». Je ne suis jamais allé à la foire du Trône mais elle avait les yeux des enfants émerveillés par les manèges et la barbe à papa.

Les feuilles de l'arbre ne nourrissaient plus les vers à soie depuis longtemps. Il était plus que centenaire et ses branches couvraient une grande partie de la petite place. Joseph y avait installé sa « buvette », quelques bières et sodas achetés au super marché.

Marcel avait sorti son fauteuil de toile, il appelait ça un pliant. La casquette basse sur les yeux, il mâchonnait le bout de réglisse que Lucette lui autorisait pour remplacer le tabac. Raymond rentrait ses fruits et légumes :

« L'année dernière, y en a un qi ma tout emporté, d'un coup de cul. Tu crois qu'il se serait arrêté ? Que dalle ! Il a fini la course avec de la salade au pare-choc.»

Nos rires faisaient naître le sien et sa rancune s'effaçait devant l'impatience à voir passer le premier concurrent.

Julien s'évertuait à expliquer à Mélanie les différents groupes, catégories, puissances. C'était certainement pour appuyer son enseignement que sa main devenait de plus en plus enveloppante entre le débardeur et la jupe. C'était sans doute pour mieux entendre que Mélanie laissait aller sa tête sur l'épaule du garçon. Marcel, hilare, nous montrait silencieusement, à coups de menton, la parade nuptiale des deux adolescents. Chacun, en souriant, les contemplait, laissant monter en lui, qui, un souvenir, qui, une envie, qui, un espoir.

Il faisait vraiment beau sur la place, le jour du rallye. Il y avait du soleil, de la joie, du plaisir, de l'amour, de l'envie, de la sympathie.

Il y avait de la vie.

Si je t’appelle, un jour

 

Si je t'appelle, un jour, ce sera pour me mettre en réalité, pour que tu poses un son sur mon nom, pour que tu sache quel bruit je fais.

Si je t'écris, un jour, une belle lettre avec une plume, ce sera pour que tu vois ma trace entre tes mains, que tu sache quels signes je te fais.

Elle lisait ces mots sur son écran glacé et ne savait répondre.

Des mois de courriels tendres et souples comme du miel. Des mois à laisser se construire un personnage de chapelle riche et doré de rêves. Des mois à se laisser fleurir le jardin secret. Pourquoi veut-il troubler le trouble, pourquoi veut-il mettre du vrai ?

Elle écrit, elle tape : « ne m'appelle pas, reste ailleurs, garde le silence. Je ne veux pas comprendre ou croire, dans une intonation, ce que tu ne me dis pas.

Ne m'écrie pas. Je ne veux pas te chercher au contour d'une lettre, à la forme d'un « t », à la courbe d'un « e ». Je veux que tu reste mon intime inconnu. Si tu savais combien cela m'est précieux, tu ne changerais rien.

Et si c'était cela, notre belle histoire, juste deux cœurs et deux claviers ? Et si c'était cela ? Simplement, une belle et simple nouvelle façon de faire le chemin ensemble.

 

 

Ne pas rêver

 

Poser le livre sur la table de nuit,

Les lunettes dessus.

La joue sur l'oreiller.

Ne pas dormir,

Penser,

Rêver,

Eveillé.

Penser à ses douceurs passées.

Ne pas dormir,

Rêver,

Ecouter,

Son souffle,

Cette soie

Qui glisse contre soi.

Penser à elle,

A moi.

Sentir nos corps

Contre le drap.

Ne pas dormir,

Rêver

Et puis s'éteindre

Doucement.

Avec son souffle

Dans l'épaule.

Le chat vient dormir

Dans la rigole,

Entre nos corps

Et nous.

Lentement, s'en aller

Vers demain.

Ne pas penser

Que c'est passé.

Rêver.

S'en aller vers demain.