On s'était mis à l'ombre du murier pour regarder passer les voitures. Je lui disais, « tu as l'air d'une fille à la foire du Trône ». Je ne suis jamais allé à la foire du Trône mais elle avait les yeux des enfants émerveillés par les manèges et la barbe à papa.
Les feuilles de l'arbre ne nourrissaient plus les vers à soie depuis longtemps. Il était plus que centenaire et ses branches couvraient une grande partie de la petite place. Joseph y avait installé sa « buvette », quelques bières et sodas achetés au super marché.
Marcel avait sorti son fauteuil de toile, il appelait ça un pliant. La casquette basse sur les yeux, il mâchonnait le bout de réglisse que Lucette lui autorisait pour remplacer le tabac. Raymond rentrait ses fruits et légumes :
« L'année dernière, y en a un qi ma tout emporté, d'un coup de cul. Tu crois qu'il se serait arrêté ? Que dalle ! Il a fini la course avec de la salade au pare-choc.»
Nos rires faisaient naître le sien et sa rancune s'effaçait devant l'impatience à voir passer le premier concurrent.
Julien s'évertuait à expliquer à Mélanie les différents groupes, catégories, puissances. C'était certainement pour appuyer son enseignement que sa main devenait de plus en plus enveloppante entre le débardeur et la jupe. C'était sans doute pour mieux entendre que Mélanie laissait aller sa tête sur l'épaule du garçon. Marcel, hilare, nous montrait silencieusement, à coups de menton, la parade nuptiale des deux adolescents. Chacun, en souriant, les contemplait, laissant monter en lui, qui, un souvenir, qui, une envie, qui, un espoir.
Il faisait vraiment beau sur la place, le jour du rallye. Il y avait du soleil, de la joie, du plaisir, de l'amour, de l'envie, de la sympathie.
Il y avait de la vie.
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