Lucille avait les yeux gris-vert qu'elle posait avec nonchalance sur nos pantalons courts. Lucille fumait des cigarettes blondes ramenées de Paris. Des américaines.
Elle disait que ses parents le savaient.
Moi j'avais une casquette de soldat sudiste reconstituée à partir d'un chapeau que ma grand-mère trouvait trop salissant.
Robert avait eu un Solex neuf pour son entrée en troisième.
Je ne pouvais pas lutter.
Lucille avait de belles jambes que le vent me montrait quand Robert lui prêtait son Solex pour faire des tours de place.
Un jour j'ai vu Robert fumer une américaine. J'ai jeté ma casquette dans le puits de Roussel.
Les vacances sur le Larzac c'était des chardons, des vipères à sauter, des ruines à investir, des histoires de toujours, des serments de jamais.
Lucille avait les cheveux libres et le rire aiguisé.
Elle courrait devant nos espérances avec une feinte innocence qui nous faisait taper dans les cailloux, graver les arbres, manger des coccinelles. Robert disait tout fort, pour qu'elle entende, qu'il avait plein de poils 'là où c'est qu'on dit pas". Lucille le regardait en bombant le torse.
Je ne pouvais pas lutter.
Elle m'appelait "le petit blond".
Robert riait du haut de son Solex.
Les vacances sur le Larzac ce sont des odeurs de cigarettes blondes, des envolées de jupes vichy, des impatiences inconnues dans les reins. Et tous ces mots que j'ai tant dits, la nuit, à toutes mes chimères. Celles, qui ont souvent les yeux gris-vert, les cheveux libres et le rire aiguisé.
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