Maintenant que j'y pense...

Ce soir

Ce soir, j'avais le blues.
Une amie qui doit avoir des antennes a glissé ça dans mes courriels.
ça va beaucoup mieux.

J’aime ça

 

J'aime ça, penser à toi

J'aime ça.

J'aime ce bruit

Dans mes pensées

J'aime ce fruit.

Tu passes

Fugace

Pour un chat qui me suis

Pour une odeur

Tu me croises

Tu ris

C'est le vent

Ou la pluie.

J'aime ça

Tu es loin

Tu es là

Au bord de moi

Quand je t'écrie

Au bord de mes envies

J'aime ça

Regarder à loisir

Ton absence

Sans pudeur

Seul avec moi

Et te dire les mots

Et te faire les gestes

J'aime ça

Penser à toi.

 

 

 

Des graines sur les joues

Marius n'avait pas douze ans quand il a vu Julie pour la première fois. Elle, elle en avait dix, il le sait. Elle mangeait, accroupie, des fraises dans le jardin de son grand-père. Ça lui faisait les lèvres rouges et des graines sur les joues.

• T'as des graines sur les joues.
• Toi, t'as du sang sur le mollet. T'en veux ? t'as mal ?
• Oui, la grosse, là, à ton genou. Ça, c'est les ronces du chemin de la rivière. Ma mère va gueuler.
• Pour la ronce ?
• Non pour la rivière, j'ai pas le droit, elle a peur que je me noie.
• Moi, c'est mon grand père, il est toujours là. Des fois, on croit mais il est là
• Il est où ?
• A coté de la pompe, devant le mazet, tu vois pas ?
• Merde, oui, et, il me dira rien ?
• Pff ! il sait qui tu es, il s'en fout
• Et toi tu sais aussi ?
• T'es Marius le fils des parigots, ceux qui louent chez Alberte.

Elle souriait, elle avait des graines sur les dents. La tête penchée, un œil fermé pour éviter le soleil et les cheveux presque blancs tout autour. Il la regardée, muet, avec une espèce de bulle de bonheur qu'il sentait là dans sa gorge. Il aurait aimé lui dire : je sens une bulle de bonheur qui monte dans ma gorge mais quand on n'a pas encore douze ans, on ne sait pas dire, on sent.

Peut-être qu'elle veut juste me donner des fraises et parler à quelqu'un. Peut-être qu'elle donne des fraises à tout le monde. Peut-être qu'elle à pas envie qu'on lui dise qu'elle est jolie même avec des graines sur les joues et les dents. Peut-être qu'elle me trouve bête à ne rien dire, avec mon mollet qui saigne et mon short de travers.

• T'en veux encore, tu veux voir ma cabane ?
• T'as une cabane ?
• Oui mais c'est un secret. Elle est pas en bois, c'est presque une grotte. C'est sous le rocher du bassin.

Elle courait devant lui entre les pieds de tomates. Son grand-père criait « doucement ».

• T'es le premier.
• Merci. C'est beau.
• Des fois j'ai le droit d'y dormir quand mon grand-père dort au mazet. Si tu veux, un jour, enfin un soir, t'y dormiras aussi.
• Tu crois que j'aurai le droit ?
• Ben oui, pourquoi ?
• Tu sais, ma mère, elle a peur de tout.
• Ce serait bien, on dirait qu'on est mariés, que ce serait notre maison de vacances

Elle lui racontait en sautillant d'impatience cette belle et incertaine soirée tandis qu'il échafaudait dans sa tête une stratégie pour contrarier les objections maternelles.

• Mais je ne peux pas te laisser aller dormir là-bas avec cette petite.
• Mais pourquoi ?
• Parce qu'on ne laisse pas dormir un garçon et une fillette ensembles.
• Mais c'est pour jouer.
• Ce n'est pas un jeu, çà, ce n'est pas un jeu.
• Et c'est quoi alors ?

• VA TE COUCHER

Et encore

Les Passantes

C’était bien

On avait le même cartable mais pas la même trousse. Alors, à la récré, pour ne pas se tromper, on regardait dedans.

Ma mère voulait mettre mon nom sur le revers. Sa mère un ruban de couleur. Nous on préférait regarder dedans. C'était notre façon à nous d'être intimes. Nous ne savions pas le dire mais nous avions cette envie de nous fabriquer  de « l'entre nous ». C'était bien de se tromper, de la taquinait en ouvrant ses cahiers, le rose, avec des fleurs. C'était bien quand elle disait « t'as pas le droit », dans une fausse colère qui voulait dire « vas-y, lis tout, même les poèmes avec les fautes ». C'était bien quand elle me prenait mon goûter.

Un jour où nous n'avions pas pris le temps de regarder, j'ai dû aller jusque dans sa classe pour faire l'échange. La maitresse a dit que çà ne pouvait pas durer « cette comédie », qui fallait trouver une solution.

Elle pleurait un peu en disant, « de toute façon, je vais partir, mon père va travailler au Canada. »

J'ai jeté mon cartable dans le couloir des grands, pour qu'ils jouent au foot avec.

Ma mère à dit « des fois on se demande ce qui te passe par la tête ! »