Elle, elle n'a plus de prénom.
Il le lui a pris en partant comme il lui a pris tout le reste. Le sol, le ciel, les vagues, demain, les « on fera », les « tu te souviens ? ». Tout est parti d'un coup, dans le regard de l'infirmière, dans cette voix basse et douce, murmurant « je suis désolée ».
Il faisait chaud, les gens pleuraient et Juliette, une rose à la main. Le vide. Elle, elle les regardait, si proches et si loin à la fois. Elle était seule. Elle disait « j'ai mal, si vous saviez ».
La vie passe, elle s'en va. Il n'y a que du passé.
Suzy s'acharne à fabriquer du présent. Elle a mis du vert et des fleurs aux fenêtres. Elle chante, elle crie et fait rire Juliette. Elle tire sa sœur par mille stratagèmes.
- Demain, il fera beau, nous irons à la mer.
- Oh, j'ai pas trop envie.
- Mais si, t'as envie. Juliette à envie, hein, Juliette, t'as envie ?
- Quoi ?
- La mer, t'as envie ?
- Oh, oui !
- Mais la voiture n'a pas roulé depuis six mois au moins. Depuis que…
- J'ai demandé la sienne à Robert
- Oh, Robert, il ne sait pas dire non.
Elle regarde les baigneurs, se prend à s'inquiéter. Il lui a fait si souvent peur quand il partait au banc de sable. Elle sourit un peu. « Salaud, pourquoi t'es pas là ?, je n'aime pas la mer sans toi, je n'aime pas la vie que tu m'as laissée »
- Maman, tu pleure ?
- Oh, t'es là, hein, non, non c'est le soleil. Où est ta tante ?
- Elle parle avec le monsieur, là-bas.
- Oh ! elle est folle, vas lui dire qu'il faut partir, que Robert attend sa voiture.
- Moi je crois que tu veux pas que Suzy elle a un amoureux.
- Mais de quoi parles-tu ?
- Toi, tu veux plus d'amoureux alors tu veux tout pareil pour Suzy.
- Vas chercher ta tante !!!
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