- Les mots ne sont qu'une photographie de la pensée. Lorsqu'ils sont lancés, ils ne nous appartiennent plus. Ils appartiennent à ceux qui les entendent. Comme les photographies appartiennent à ceux qui les regardent. Les mots sont souvent, hélas, une photographie en noir et blanc. Il leur manque les belles couleurs qui, elles, restent dans la tête de celui qui les a lâchés. Celui qui entend met, alors, ses propres couleurs et c'est souvent là que naissent les problèmes. Je veux dire, les malentendus.
Elise avait lancé cette tirade, presque sans respirer, les yeux au sol, devant un Robert médusé.
Un gros soleil orange se couchait au bout du chemin.
- Pourquoi me dites-vous ça ?
- Parce que je sais que vous attendez de moi des mots que je ne peux vous dire.
- Oui, j'attends mais, justement, j'attends. Je suis patient. Votre silence ne me gène pas si vous me le donnez. Si vous acceptez mes invitations à passer des moments ensemble. Vous savez, nous, les gens de la terre, comme disent les gens de la ville, nous vivons de patience devant la nature. Elle peut avoir toutes les humeurs qu'elle veut, nous, nous sommes toujours là.
- Mais je n'ai pas d'humeurs, j'ai des cicatrices, des blessures qui ne se referment pas.
- Je vous demande juste de me laisser vous aider dans votre convalescence. Je ne veux prendre la place de personne. J'espère seulement que vous m'en fassiez une au près de vous.
Le silence avait accompagné la fin de la promenade. Ils revenaient vers le village lentement. Elle se caressait la joue avec une herbe coupée dans le talus.
- Aujourd'hui, je peux vous dire, enfin, j'ai envie de vous dire que j'aime la douceur que vous donnez à mes dimanches, Robert. Merci pour ces moments. Ils me sont précieux, vous savez. S'il doit y avoir un « nous » un jour, (vous voyez les guillemets ?) il prend naissance ici, je crois.
- Pour moi ces moments sont déjà le « nous » dont vous parlez.
- N'allez pas trop vite Robert.
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