Sur le chemin des Liquisses, là-haut, sur le Larzac, il y a un enfant qui cour. Le soleil est tombé derrière le bout de côte. Il veut le revoir encore avant la nuit, avant de rentrer. Robert se souvient bien de ces courses contre le temps. L'impression de retarder le crépuscule de repousser la nuit. Il les raconte à Elise qui l'écoute en marchant, un brin d'herbe à la main. Elle à posé un beau petit sourire sur ses lèvres. Un sourire de connivence, un de ceux qui disent « je comprends, je sens ce que vous dites ». Robert, peu à peu, s'enhardit. Les mots, les phrases, les idées, les images arrivent et s'expriment de mieux en mieux. Le sourire les accueille.
- Ça vous amuse, mes histoires ? c'est bête, hein, c'est des gamineries.
- Non, non, Robert, ce n'est pas bête puisque ce sont vos souvenirs d'enfant. J'aime votre façon de les partager. Vous avez gardé la fraîcheur de vos dix ans, vos yeux pétillent, vos gestes, tout de vous me montre combien toutes ses émotions d'enfant son encore très présentes à votre esprit. C'est cela qui me fait sourire et ça me fait du bien.
Elle a dit cette dernière phrase dans un souffle en baissant le ton et les yeux, comme l'aveu d'une faute.
Robert l'a reçue comme un cadeau, avec le silence du bonheur. Surtout ne pas la regarder, la joie lui ferait peur. Ne pas se précipiter sur ce trésor, le lui arracher pour se l'approprier. Lui laisser la possibilité de le reprendre si elle pense s'être trop avancée. Calmer ce cœur qui s'emballe, « du calme, du calme, petit, où vas-tu, là ? Pour qui te prends- tu, paysan ? ».
Élise lui laisse ses silences et son trouble, ce confort nécessaire à sa convalescence. Elle sait, maintenant, elle accepte son propre désir mais elle a besoin de cette délicatesse. Elle se sent si fragile, si accessible à la culpabilité.
- Oh, vous savez, mes souvenirs, ils ont pris un sacré coup de vieux. Tout à changé ici. D'abord, il y a du goudron, c'est plus un chemin, c'est un route et puis, là-bas, à la place du pont, il y avait un petit bois. On jouait au cow-boy et aux indien. J'avais ma propre grotte. Aujourd'hui, c'est l'autoroute. Ils ont mis une autoroute sur mes souvenirs d'enfance.
Elise rit fort. Fini le trouble juste de la joie, du bonheur.
- Et, vous, ça vous fait rire ? dit-il, feignant le reproche.
- Mais vous êtes drôle, je ris parce que vous êtes vraiment drôle.
Elle lui a pris la main, instinctivement, comme si cela était nécessaire pour le rassurer. Elle la gardera jusqu'aux abords du village, aux premières maisons.
Plus un mot, juste ces doigts qui se rencontrent et s'enlacent.
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