Maintenant que j'y pense...

Elle garde l'amour

Elle garde l'amour comme un papier froissé, bien au fond d'une poche de son manteau d'hiver. Le printemps puis l'été lui ont fait oublier les quelques mots stupides griffonés à la hâte.

Elle garde l'amour comme un bijou trouvé. Le sable et la mer l'ont poli puis griffé.

Elle le voudrait beau, il est éffiloché.

Elle le voudrais brillant, il est un peu rouillé. 

Elle garde l'amour dans sa boîte aux photos avec les fous rires au camping, les communions, les bathêmes.

Elle garde l'amour pour demain, pour plus tard, quand il viendra tout seul la prendre par le coeur. Alors elle lui donnera tout, le papier, le bijou et la boite aux photos.

Il effacera, d'un grand rever de main, les mauvais chemins, les embuscades, les attentats à la tendresse. Et elle sera belle, elle le sait déja.

Elle garde l'amour pour demain,

Demain,

bientôt,

tu verras.

Lettre à Vous

Toi, j'aimerais t'écrire des textes où tu pourrais accrocher tes colères, tes révoltes, tes cris dévastateurs.

Toi, je voudrais t'écrire de longues plages de tendresse où tu te roulerais à perte de souvenirs, à perte d'espérence.

Mais les mots sont térribles. Ils me fuient bien souvent ou ceux qui se présentent on perdu tout leur sens. Ils ne veulent plus dire que l'ombre de leur sens.

"Je t'aime" a tout perdu et fait sourire en se confondant avec "je te désire".

Les mots ne viennent pas lorsque je les appellent. Ils viennent en pleine nuit déchirer mon sommeil. Alors je vous envoie quelque phrases légères ou graves, redoutant ta colère, espérant ton sourire.

Toi et toi je vous emporte dans mon île déserte ou mon jardin secret. Et vous qui me lisez en vous sentant exclus, il y a un peu de vous dans chaque "Toi et Toi".

Vous me faites des signes qui viennent ponctuer mes notes et les enluminer. Ces textes s'enrichissent de vos soupirs, de vos reproches. Ils y prennent leur réelle existance.

Merci de votre vigilance, de vos coups dans le coeur.

Merci de vous pencher sur moi.

ELLE dit

 

Elle dit ne plus avoir envie.

Elle pose sur moi un regard mouillé de désolation comme à un enfant on dit "je n'ai plus de bombon". Je la rassure, lui dis qu'il nous reste mille choses à vivre ensemble.

Je me rassure.

Je fuis le lit. Je me couche quand elle dort. Je me maudit d'être un homme avec ce signe exterieur de désir.

Je me sens mal, je me sens mâle.

Elle dit ne pas comprendre ce qu'il lui arrive. Ellle parle de son âge et de ce drôle de passage où l'on devient une autre.

Alors je me laisse aller à des théorie fumeuses : Et si, dans sa période "fécondable" elle avait obéit au devoir, inconscient, de procréation? Et si maintenant, libérée de ce devoir, sa sexualité n'avait plus d'utilité ?

Et si tout simplement je n'avais pas la capacité à lui donner l'envie, le plaisir qu'elle mérite. Et si elle n'avait plus la force de me faire de l'illusion ? 

C'est tout

J'aime te surprendre à me regarder et voir tes yeux qui se détournent. J'aime cette petite culpabilité qui naît.

Chez toi d'avoir été surprise et de me donner à imaginer des pensées, des envies qui n'èxistent pas.

Chez moi, de t'avoir surprise et de te donner à imaginer que je puisse me réjouir et fantasmer sur l'interet que tu me porte.

J'aime ça. Ce petit quelque chose, ce petit secret pour chacun de nous. Nous ne nous en parlerons certainement jamais. Nous continuerons à être "les meilleurs amis du monde" avec ces petits silences, ces petites pudeurs ou peurs qui nous empêchent de nous dire calmement ce que nous avons ressenti vraiment quand tu me rgardais, quand je te regardais me regarder.

- Il ne s"est rien passé. Je ne te regardais pas, j'étais ailleurs, loin d'ici, vas pas t'imaginer...

- Mais je n'imagine rien, rassure-toi, tu est mon amie, c'est tout.

- Tu ne vois pas que je te taquine ?

Je te lis tous les jours

Je te lis en silence depuis que tu m'as jeté. Tes textes continuent à m'émouvoir, à me faire rire, à mettre des mots sur mes propres colères. Tu continues ta route et je n'existe plus. Autour de toi, quelques fidèles commentent, en rajoutent de leurs experiences. Tu les fustige quand leur réflexions ne te conviennent pas.

Moi je te lis simplement avec beaucoup de tendresse. Je ne sais pas si c'est de la tendresse mais je sais que je suis sans rancune, sans colère. Peut être un peu chagrin de cette distance entre nous. Je n'étais sans doute pas assez guerrier, acide, virulant, brutal pour toi. C'est l'héritage de mon père qui me fais me détourner de l'agressivité quand je la trouve injuste et inutile.

Il me semble, encore aujourd'hui, que notre rencontre n'était pas annodine, qui y avait, dans nos échanges, beaucoup de sincérité, d'écoute. J'ai dans la tête de belles paroles qui m'ont tenue quand je glissais.

Je te lis tous les jours.

Sous le tilleul

   Nous, nous préférons l'ombre au soleil, sous le tilleul, près du ruisseau.

On dirait une carte postale. Nous, nous faisons la sieste dans la carte postale.

Nous, c'est toi et moi et ton petit sourire quand tu me laisses regarder vers le haut de tes cuisses, là ou le courrant d'air me soulève ta jupe.

Tu reposes dans l'herbe, sur le côté, en chien de fusil, le bras replié en guise d'oreiller. Tu te moques de mes oeillades.

- Coquin !

- Qui, moi ?

- Oui, toi, tu veux savoir ? Elle est blanche avec de la dentelle partout.

- Mais non, je regarde ton genou.

- Comme dans le film ? "Le genou de Caire". Et je vais te croire, moi.

Nous, on se la joue tendresse, on se la joue premiers frissons. J’aime te faire le beau timide que tu laisses venir doucement, par petites permissions. Le gentil, qui te touche de la prunelle.

Je t'épie, tu me guettes. Tu me donnes une échancrure. Je te vole un bouton défait. Tu m'échanges un sourire complice contre un regard en coin.

Et puis ma main sur ta cheville, et puis ma bouche qui chemine. Tes pieds qui se séparent. Ta main dans mes cheveux.

Tu te souviens ? L'été, là haut, sous le tilleul ?

Depuis longtemps

Depuis longtemps j'ai perdu l'envie de marcher dans la rue du côté du soleil, de traverser les flaques d'eau, de faire voler les feuilles mortes, de tirer les tresses des filles.

J'ai gardé mon sourire et mes larmes pour donner le change. 

Depuis longtemps je ne trouve plus les jolis mots qui te font me dire "que tu est bête" en rougissant. Depuis longtemps nous sommes devenus des grands que les feux d'artifice, assourdissent avant de les émerveiller.

Depuis longtemps.

Que me reste t'il pour encore te faire frissonner?

Que tu n'ais pas vu le temps passer?

AU REVOIR

odeur

Pèle mèle les souvenirs se fabriquent, s'emèlent et s'entassent au fond de nos cerveaux.

Que va-t-il me rester de toi, que va-t-il me revenir de toi quand tu m'auras oublié?

Une odeur. Ce sera, tout d'abord une odeur.

Pas celle de ton parfum que j'aurai croisé mille fois sans trop la reconnaitre. Non, ce sera une odeur dans une maison ou une rue. Pas une bonne odeur mais pas mauvaise non plus, de rideaux en velour, de toile cirée, de lettres brulées à la va vite dans un cendrier trop plein. Une odeur de tous les jours, de tous nos jours.

Elle me prendra les narines et les images et les musiques, les rires, les jeux, sortiront comme d'une lampe magique. La tête dans le vague, un sourire léger je laisserai passer la farandole de bons souvenirs. Viendra, alors, lentement sans musique la procession des mauvais jours.

Que va-t-il me rester de toi qui passe dans ma vie en murmurant "toujours" en me soufflant "jamais".

Je regarde ton oeil et le grave en secret. Je regarde ta bouche, en capture le goût. Et la musique de ta voix et ton rire, quand je les croiserai dans ce futur qui se rapproche, auront-ils cet éclat qui me fait tant vibrer ?

Quand nous serons, tous deux flétris et désués, si tes "toujours" ont été vrais, nous mèlerons  nos souvenirs. Je te parlerai des odeurs que tu as laissées dans ma mémoire, entassées pèle mèle comme des photos jaunies dans un carton à chapeau.

La dame de l'abribus

  Tous les jours, quand le soleil est assez haut, elle va s'assoir dans l'abribus. Là, elle regarde passer les gens. Les siens ne sont plus là. Les jeunes sont partis elle ne sait plus vraiment où. Le vieil Auguste, lui, est làbas sous les cyprès. Il dort pour toujours. Il aimait tellement ça, dit elle en souriant. Les autres sont gentils. Un signe de la main quand ils passent en voiture. Un "bonjour" souriant quand il sont à pieds mais ils courent toujours.

- Mon âge ? je le dis plus, j'ai honte d'être encore là. A quoi ça sert ? Elle sourit encore. J'ai ma place sous les cyprès mais il a dû combiner quelque chose avec le bon dieu, l'Auguste, il veut avoir la paix encore un peu. Elle rit en chassant de sa cane une boite de coca abandonnée sur le banc.

Elle regarde passer les gens.

Je la regarde regarder.

Je me vois a sa place, regardant le monde, la vie, qui passe avec cette sourde sensation de n'en plus faire partie. J'ai peur de ce bout de chemin qu'il me faudra faire avec l'impression que l'au delà a commencé, qu'il me prépare en m'habillant de l'indiférence des autres. Ces mains qui s'agitent à l'abri derrière les vitres, me disent adieu.

La dame de l'abribus est partie ce matin dans l'ambulance des pompiers. Ma chérie lui a tenu la main en lui disant "Mais si, vous reviendrez".

Elle nous regardait.