Je montais à "Château de Vincennes", elle montait à "Nation". Nous changions tous les deux à "Concorde" direction "Porte de la Chapelle". Elle descendait à "Blanche" moi à "Lamarck-Caulaincourt". Pendant quinze jours, elle à lu "L'étranger" de Camus. C'était un livre de bibliothèque avec un numéro sur la tranche, B112. Après elle à lu "Dune" de Herbert, N27. La plus part du temps elle lisait Libé qu'elle tenait plié en quatre pour ne pas prendre trop de place. Au début, elle portait des lunettes rondes sans monture, très discrètes, avec les branches fines, rose pâle qui se perdaient dans des cheveux blonds, presque blancs. Après, elles ont disparues, je suppose, au profit de verres de contact qui laissaient libre l'ovale de son visage doux et pâle comme une toile de Quentin Delatour. Tout était clair chez elle. Ses cheveux, très long qu'elle faisait tenir sur sa nuque par une grosse barrette en écaille. Ses grands yeux d'un bleu lavé qui lui faisaient un étrange regard perpétuellement étonné. L'hiver, elle enfermait sa minceur dans long et étroit manteau noir. A la belle saison, rien ne changeait vraiment. Plus de manteau. De simples et longues chemises ne laissant rien paraître de sa féminité.
Je me souviens, aussi de ses doigts, effilés comme des lames manipulant les feuillets dans une danse fascinante. Des doigts sans bagues aux ongles vernis de rose pâle comme les lunettes.
Un jour, à "Bastille" là où le métro est aérien, un homme s'est assis en face d'elle. Idiot comme un homme, il lui a demandé si "les nouvelles étaient fraîches". Elle a posé sur lui son grand regard glacé.
Ce jour là, elle est descendu à "Saint-Paul".
A "Concorde", j'ai attendu l'arrivée du métro suivant.
Elle avait du prendre un taxi.
Les commentaires récents