1987
12, 9,7, ils ont grandi. Leur mère dit qu’elle veut souffler, s’éloigner un peu, finir son diplôme d’archi. Je comprends, je suis d’accord. Mes horaires me permettent de m’occuper des enfants. Elle pourra se consacrer à son boulot. Les garçons apprennent à se passer de leur mère, moi aussi. La fac l’accapare plusieurs jours par semaine puis bientôt, plusieurs nuits. C’est l’été, les fêtes où je ne suis pas invité « il faudrait amener les enfants et puis tu ne connais personne. Je comprends. La vie s’écroule peu à peu. Les garçons me regardent. Je leur souris. Je fais le repas ce soir, encore un soir sans téléphone. La pendule nous fait peur. A la radio, Cabrel chante "Tu en passeras des nuit à regarder dehors" "c'est écrit". Les garçons dorment je pleure.
1992
Je n'habite plus la plus belle maison du monde depuis deux ans. Un deux pièces suffit. Mon fils aîné vit avec moi quand il n'est pas à Montpellier pour ses études. Ses frères viennent quand ils veulent et ils veulent souvent. Ils ont subit la tempête. La coque a bien tenu mais, à l'intérieur, tout est sans déçu dessous. Moi je ressuscite peu à peu, après avoir tout vécu pour oublier.l'alcool, bien sûr, la fête sans vrai raison, les femmes, celle qui vous accueillent juste pour le plaisir et qui vous rassurent en vous disant " c'est juste pour le cul, qu'est ce que tu crois ?".
Et puis, ras le bol, tout ça, ce n'est pas moi, ce fêtard paillard.
Le calme, le repli, de l'eau, des livres, du calme.
Elle est venue toute en douceur effacer le tableau noir de l'école de la vie. Elle est venue prendre ma main abandonnée. Elle m'a montré sa vie et moi dedans. Elle m'a pris dans sa maison, a poussé les meubles et les gens, m'a fabriqué un chez nous. Tout en douceur pour ne pas effrayer l'oiseau blessé.
1997
L'année dernière, la douce m'a donnée sa main pour y passer l'anneau. C'était l'été, dans un grand pré, en Camargue. Les parents les amis avaient retrouvé leur sourire. Les enfants courraient après les taurions. Mon père avait mis son chapeau de paille, ma mère pleurait. Mon fil aîné est venu avec sa compagne. Il n'a plus peur des couples. Le second est de passage, il ne dit rien de sa vie ou juste assez pour me rassurer. Je ne lui dis pas que j'ai peur. Il fait semblant de ne pas le voir. La fille de ma douce me sourit.
Au mois de janvier, le troisième garçon me fait revivre mes dix sept ans : "Papa, je veux arrêter le lycée, j'en peux plus"
"Mais le bac ? Mais pour quoi ?" " Je veux aller à Paris dans une école de théâtre" "ok, je te suis".
Surtout ne pas regarder ce train qui part, il va voir que je pleure. Et puis, si, merde, regarde, je pleure !
2002
Je suis grand père depuis le 22/11/2001. Moi, grand père. Ma chérie se moque. Elle s'arrête devant toutes les vitrines "oh, un jouet, oh, des chaussures, oh, oh…"
Le 22/02/02, un vendredi, la voix cassée de mon frère : "il faut que tu viennes, c'est bientôt fini". Mon père est là, ballotté par les manœuvres des pompiers, du médecin. Il s'en va doucement malgré leurs soins. Je le regarde sereinement. Quelques jours avant, au sortir d'une première alerte, il nous avait dit," ne vous inquiétez pas, ce n'est rien c'est très doux". Le médecin nous regarde tristement en enlevant ses gants.
Je prends mon téléphone, il faut que je lui dise. Elle dit allo et je pleure, j'ai mal, je suis perdu, pas un mot, rien ne vient, je pleure. J'ai 52 ans, mon papa est parti. A cet instant là je suis tout seul.
Ma mère, dans son monde, nous dit qu'il est parti, que c'est rare qu'il s'en aille comme ça, sans rien dire. Elle l'attend certains soirs mais pas toujours. "Il finira bien par rentrer"
2007
Notre maison est la plus belle du monde. Les garçons ont chacun leur compagne, la fille son compagnon. La vie les chahute sans trop de dégâts. La petite court partout et nous derrière.
Ce blog aura bientôt deux ans. J'y croise beaucoup de gens. Les liens se tissent. je ne peut commencer une journée sans prendre des nouvelles, de lire les textes de certaines personnes qui me sont devenues très chères.
Les commentaires récents