J’ai trouvé, chez Cassandrina cette façon de raconter un peu son histoire. C'est le 2 et 7.
Se souvenir des années finissant par 2 et de celles terminant par 7.
Je vais essayer.
1952
J’ai deux ans, nous allons à la mer pour les vacances. Mes frères et sœurs, mes parents et moi, le petit dernier. Ma mère a peur alors, pour ne pas me perdre ou pour que je n’aille pas à l’eau tout seul, on m’attache avec un baudrier et une longue laisse au pied du parasol. L’heure du bain venue, mon père me prend sur ses épaules et nage. Je pleure, ça pique. Je crois que je ne me souviens de rien. J’ai mis trente ans à avoir des rapports supportables avec la mer, la rivière, la piscine…
1957
Mes parents décident de faire "des réparations ". Nous allons avoir une belle maison. J'ai 7 ans, je cour partout, je veux aider les maçons. J'ai du béton plein le pull. Ma mère a peur. L'école m'embête. J'aime pas. Mes sœurs se disputent beaucoup. Mon frère aîné a une fiancée. Il n'ira pas en Algérie, à la guerre, à cause de sa jambe.
1962
L'Algérie, c'est fini. Mes frères son sauvés. Ils m'ont fait tonton 5 fois. C'est le collège et j'aime encore moins. Dans les grands couloirs je croise mon père avec sa blouse blanche de prof de math et physique. Il fait semblant de ne pas me voir. Je l'aide. Ma grande sœur est partie apprendre la coiffure à Montpellier. Elle loue une chambre seule. Ma mère à peur. Le dimanche je vais au "cinéma du curé". J'ai un franc, 50c pour le ciné, 50c pour les gros caramels au café. J'ai vu Laurel et Hardy, Charlot, Buster Keaton, "celui qui rit jamais"
1967
"Papa, tu sais, le lycée, ça me gonfle vraiment, je veux aller aux BEAUX-ARTS". Papa ne dit rien. Maman a peur. Je rentre aux beaux arts. Je suis seul, à Montpellier dans ma chambre. Dans le placard il y de quoi manger. Ma mère a prévu. Je vais au cinéma deux fois par jour. Je dessine, je peins, je grave, je la rencontre. Elle est belle comme la première fois. Elle est bleue, elle me regarde, elle me donne. Maman, j'ai peur. Elle disparaît, étoile filante, partie, perdue, perdu. François me tient par l'épaule. Il m'emmène voir "Little big man" dans un cinéma permanent. Nous restons deux séances de suite. Depuis je l'ai vu 27 fois.
1972
Fini les beaux arts. Cinq ans de vie forte, le plein d'émotion, de rencontres, de partage, de folies. Dans la montagne ils ont ouvert un resto parce qu'ils en ont assez de vivre à Paris. Ils veulent tout recommencer ici, en Cévennes pour du plus vrai, moins d'artifice. Il est publiciste, ça marche fort, trop, ça suffit. Je les rencontre au bar de la place. Ils me parlent de leur projet. Elle fait tourner le resto avec le cuistot et sa femme, lui reste encore un peu à Paris pour assurer. Il descend le week end. Je vais habiter au mas et donner un coup de main au service. La petite blonde, fluette qui cour, rit, danse en me mangeant la bouche vient avec moi. Ma mère a peur. C'est le printemps, les gens viennent nombreux, manger sur la terrasse ou dans les anciennes cave. Nous leur susurrons du Jefferson air plane. C'est du bonheur fort, de l'amour. Tout s'écroule un vendredi soir, à 200 Km de Paris. Il s'endort au volant et percute une pile de pont. On à refermé les volets du mas. Elle est partie en Bretagne près des siens. Celle qui me regarde me dit viens chez moi à Paris.
1977
Nous sommes mariés et parents. Il a deux ans et cour dans la prairie. Nous habitons la Corrèze, au milieu de nulle part, à 10 Km de la première épicerie. Ma mère à peur. Nous sommes les rois du monde. Je suis devenu éducateur au près d'enfants souffrant d'autisme. Je découvre la vraie rencontre. Celle du semblable tellement différent qu'il nous oblige à l'humilité. Je te suis plus que je te guide pour que tu m'ouvres une porte que tu m'accueilles un peu. Je te demande de m'apprendre ce que tu vois pour que nous parlions de la même chose.
Le soir, la nuit, je peins. Elle pose, se laisse prendre, exposer, encore une fois, se donne.
1982
Deuxième année Mitterrand…la réal politique commence à prendre le pas sur la dynamique de changement.
Nous avons trois garçons. L'aîné a du mal à partager. C'est le retour en Cévennes. Les montagnes sont toujours là mais la vie à continué sans nous. Certains s'arrêtent au bord du trottoir, il me salut d'un bout de menton et passent leur chemin. Ils ont rencontré un revenant. Il faut reconstruire le cercle des amis. Mon travail a changé. J'accompagne, maintenant des personnes adultes atteintes de maladie mentales. C'est toujours autant d'écoute de disponibilité mais avec une charge affective beaucoup plus contrôlable et contrôlée.
J'ai fait le maçon pendant 1 ans pour construire notre maison. C'est la plus belle maison du monde.
La suite, un autre jour…
Les commentaires récents